Réunion du conseil de sécurité aux Nations Unies
Analyse

La prise en compte de l’environnement dans l’action humanitaire médicale

Julien
Tertrais

Stagiaire au Crash en 2010 et 2011

Julien Tertrais a obtenu un Master à l'Université Paris XII-Créteil (Action Humanitaire Internationale et Gestion des ONG).

I. Introduction

Objectifs

Ce rapport est le résultat de deux mois et demi de stage au siège de Médecins Sans Frontières ; l’encadrement était assuré par le CRASH (Centre de Réflexion sur l’Action et les Savoirs Humanitaires). Le stage avait pour objectif une recherche documentaire sur les points suivants :

Les organisations humanitaires prennent-elles en compte l’impact de leurs interventions sur l’environnement ? Où se situent la réflexion et la politique des organisations humanitaires sur cette question ?

Peut-on repérer des controverses permettant d’observer en pratique la place des enjeux environnementaux dans les discussions publiques sur le travail humanitaire ? Si des critiques sont adressées au travail et aux organisations humanitaires d’où viennent- elles et avec quels arguments ? Sur quels faits et quels critères prennent-elles appui ?

Le CRASH a souhaité que cette étude soit conduite en raison de l’importance prise dans les débats publics par des préoccupations environnementales. Celles-ci suscitent des inquiétudes, des exigences, des mobilisations. Jusqu’à présent une organisation médicale humanitaire comme MSF n’a pas été mise en cause ni évaluée sur les impacts écologiques de ses activités. Et il est indéniable que MSF prend garde de respecter les législations en vigueur concernant le traitement des déchets médicaux et se préoccupe de chercher les meilleures solutions de traitement accessibles sur ses terrains d’intervention. L’implication MSF et la réflexion doivent-elles se limiter à ce seul aspect ? Ne faut-il pas conduire une réflexion d’ensemble, associant les départements, de façon notamment à cerner en quoi MSF pourrait être critiquée par ses donateurs, par des médias (etc.), pour des pratiques qui seraient jugées peu écologiques et comment tenir compte de ces critiques ? [Note du CRASH]


Démarche

L’étude a tout d’abord consisté à rechercher sur les sites Internet d’ONG humanitaires et de bailleurs de fonds si la préoccupation environnementale portant sur les effets des actions humanitaires y était présente. Nous avons retenu des ONG intervenant dans les situations de catastrophes naturelles et de conflits armés. Les sites suivants ont été explorés : MSF-F, MSF- CH, MSF-CA, MSF-USA, MDM, ACF, CARE, Merlin, Solidarités International, Concern, Irish Aid, CICR, OXFAM. Nous avons également visité les sites suivants : USAID, ECHO, OMS, OCHA et WWF. De fait ces visites ont eu un résultat décevant sur les questions qui nous intéressaient.

Nous avons ensuite orienté l’enquête sur une recherche bibliographique dont nous présentons les principaux résultats : ils font ressortir les difficultés auxquelles se heurtent les acteurs urgentistes pour mettre en œuvre les préoccupations environnementales dans leurs actions.

Nous avons ensuite repéré quelques initiatives visant à diffuser des méthodes qui permettraient d’intégrer la préoccupation environnementale aux interventions humanitaires. Ces efforts portent sur la proposition de méthodes mais également la définition de repères normatifs dont devraient s’inspirer les ONG.

Nous avons enfin complété l’enquête par des entretiens menés à MSF auprès de membres du département Médical, du département des Opérations, du département Logistique. Ils mettent en évidence l’intérêt personnel des personnes interviewées pour la préoccupation environnementale. Elles reconnaissent cependant que ce souci a peu de traductions dans le travail de terrain, sauf en ce qui concerne les risques sanitaires liés aux pratiques médicales.

Notre travail aurait pu/du être complété par une enquête spécifique sur le travail du département Logistique et de MSF-Logistique. Nous ne l’avons pas conduite car une étude y était déjà prévue. Elle pourra mettre en lumière des initiatives que nous n’avons pas repérées – nous sommes désolés pour ces omissions.


II. Notes de lecture

Nous n’avons identifié que peu d’articles consacrés aux conséquences environnementales du travail humanitaire. L’enquête documentaire doit donc être poursuivie. Si nous rendons compte de quelques articles, cela ne signifie pas que nous en approuvions les arguments. Il nous semble néanmoins utile de les présenter car ils rendent compte de débats et de tensions actuels, d’efforts pour renforcer la prise en compte des environnements dans le travail humanitaire, y compris celui des urgentistes. Ils rendent compte également des difficultés, des objections, auxquelles se heurte cette problématique dans le milieu humanitaire.

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Tom DELRUE – Renard SEXTON, « Généraliser l’environnement au sein de l’action humanitaire », Humanitaire en Mouvement [En ligne], N° 4, décembre 2009, URL : http://www.urd.org/spip.php?article113

Tom Delrue est chargé de programme « Action humanitaire – Relèvement précoce » dans le service de gestion des post-conflits et des catastrophes naturelles du PNUE.
Renard Sexton est conseiller en coopération environnementale pour la consolidation de la paix dans le même service.

Les catastrophes naturelles et les conflitsÉtudes de cas utilisées dans ce document : assèchement de puits dans la région du Darfour à l’ouest du Soudan ; déforestation du Parc National de la Virunga en RDC entre 1994 et 1996 pour répondre aux besoins des réfugiés rwandais ; dévastation de pistachiers pour les besoins en énergie et construction des populations affectées par le conflit en Afghanistan.ont un impact qui menace la vie, la santé, les moyens de subsistance et la sécurité des populations. En parallèle, les interventions d’organisations humanitaires en réponse à ces catastrophes peuvent elles aussi engendrer autant de dégâts environnementaux que les crises auxquelles elles étaient censées répondre. Les ignorer et ne pas les prendre en compte dans la conception et la mise en œuvre des programmes de secours peut réduire l’efficacité de ces interventions et causer davantage de dégâts. Ces considérations environnementales en lien avec l’action humanitaire sont documentées et communément admises dans la sphère humanitaire. Cependant, bon nombre d’opportunités sont perdues et ignorées tout au long du processus de l’intervention. Le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) ainsi que des organisations humanitaires ont commencé à travailler sur ces questions avec l’objectif que des nouvelles « bonnes » pratiques soient élaborées et accessibles pour toutes les ONG. Il est clair que l’intégration de toutes les parties prenantes à l’intervention humanitaire (acteurs de l’humanitaire et du relèvement précoce« Le relèvement précoce (Early Recovery) est un processus multidimensionnel qui se greffe sur un programme humanitaire pour initier des programmes de développement. Il a pour objectif entre autres de renforcer les opérations humanitaires et faire en sorte qu’elles deviennent des éléments de base de programmes de développement à long terme ainsi que d’appuyer les initiatives spontanées des populations affectées pour faire face aux conséquences négatives du conflit pourvu qu’elles ne soient pas de nature à le faire durer ou à le compliquer », OCHA.., autorités, bailleurs de fonds et populations concernées) est l’une des clés du succès de cet effort.

Plusieurs défis émergent si l’on veut que les activités humanitaires intègrent au mieux de meilleures pratiques environnementales :

Les acteurs du secours et du relèvement ne doivent pas sous-estimer l’impact de leurs opérations sur l’environnement.

Lors de déplacements de masse de personnes, les acteurs humanitaires passent à côté d’opportunités pour minimiser l’impact des camps de réfugiés et de déplacés internes. Ces derniers, construits en urgence restent en place pendant de nombreuses années et entraînent une compétition pour les ressources naturelles rares autour des camps.

L’extraction rapide et concentrée de ressources naturelles locales afin de répondre aux besoins immédiats des populations est faite de manière non « durable » créant de nouveaux risques et une vulnérabilité plus forte.

La perception commune selon laquelle les besoins humanitaires immédiats sont plus pressants que les enjeux environnementaux ainsi que la gestion des ressources naturelles - lors d’une intervention en situation de crise - est accentuée, marginalisant ainsi les considérations environnementales.

Certains de ces défis ne sont pas insurmontables et peuvent, dans la pratique des opérations d’aide et de relèvement, être résolus relativement simplement. Cependant, la majorité de ces défis sont de grande envergure et demandent un engagement de toute la communauté des travailleurs humanitaires en commençant par l’approche opérationnelle (court terme, planification ad hoc et prise de décisions qui ont lieu pendant les opérations avec des contributions financières nombreuses et réduites). Pour cela, un changement des mentalités et de la portée des stratégies serait nécessaire afin que les procédures choisies par les acteurs humanitaires et les bailleurs de fonds répondent aux besoins à court terme mais aussi à moyen et long terme. Les bailleurs de fonds ont un rôle des plus importants à jouer dans ces changements. En effet, ces derniers reconnaissent l’importance de préserver l’environnement mais les structures de financement évitent les engagements multi-annuels et les soutiens aux activités de mitigationMitigation signifie atténuation en matière de prévention de risques majeurs naturels. « Il s’agit donc d’atténuer les dommages sur les enjeux pour les rendre plus supportables par la société ». Source : http://www.mitigation.fr/. Intégrer cette dimension dans l’allocation des fonds permettrait d’éviter aux bailleurs de fonds d’avoir à financer par la suite des activités supplémentaires (nettoyage ou remise en état mais surtout crises potentielles dues aux migrations et aux conflits). Enfin, les questions environnementales souffrent en premier lieu du débat en cours sur les limites des « activités de sauvetage de vie humaine ».

En effet, seuls certains acteurs s’accordent sur le fait que contribuer à la revalorisation et à la durabilité des moyens de subsistance, y compris la réponse environnementale, ait un rôle central pour les humanitaires ; d’autres avancent que toute activité ne relevant pas de la stricte définition historique de l’humanitaire« Est considérée comme action humanitaire toute forme d’aide apportée en tous types de situations de détresse dans lesquelles la satisfaction des besoins essentiels des populations n’est plus garantie » http://www.humanitaire.ci consulté le 26 novembre 2010. n’est pas appropriée.

Les réponses à un certain nombre de défis ont été élaborées par le PNUE suite à des consultations avec les animateurs de Clusters (UN) ainsi que des acteurs extérieurs afin de renforcer les compétences de la communauté humanitaire :

a) Mise en place d’un réseau environnement et d’une plateforme de partage de l’information (http://postconflict.unep.ch/humanitarianaction).

b) Intégration des besoins environnementaux au sein des directives stratégiques et des opérations de l’IASC (Inter-Agency Standing Committee).

c) Formation pour les acteurs humanitaires afin d’intégrer les enjeux environnementaux dans leurs opérations : matériel pédagogique développé en réponse aux besoins ; formations spécifiques à des régions et pays.

d) Création d’outils et de guides : développer des standards techniques, des cadres de suivi et d’évaluation.

e) Déploiement terrain et assistance technique en temps réel.

f) Contribution au caractère durable des opérations de « relèvement » précoce.

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Charles KELLY, « Including the environment in humanitarian assistance », Humanitarian Exchange Magazine, Issue 27, juin 2004, URL : http://www.odihpn.org/report.asp?id=2638

Charles Kelly est affilié au centre de recherche Benfield Hazard (University College of London).

L’idée de prendre en compte l’environnement dans l’assistance humanitaire peut paraître illogique car, au moment d’une crise humanitaire, il ne semble pas vraiment opportun de faire des câlins aux arbres : en effet, combiner l’action environnementale et l’aide humanitaire peut mettre les deux en danger. Cependant, ne pas prendre en compte l’environnement durant la crise humanitaire peut aussi engendrer des effets néfastes. L’environnementDans cette problématique, on entend le terme « environnement » comme la composante écologique du cadre de vie de l’homme ; le terme est associé de façon sous-jacente aux problèmes de dégradation de la biosphère par suite de l’action anthropique : pollution, modification du climat, surexploitation des ressources, désertification, déforestation.est un facteur important des crises et négliger le lien entre les deux reviendrait à admettre que l’aide humanitaire est basée sur une incomplète et incorrecte compréhension des crises. L’intervention des acteurs humanitaires risque de ce fait de produire des effets négatifs sur l’environnementLe cas des réfugiés du Kosovo à Kukes en Albanie est utilisé pour avancer cette idée..

Opposition entre évaluation environnementale normale (EIA7 EIA : Environmental Impact Assessment.) et rapide (REA8 REA : Rapid Environmental Impact Assessment.)

La EIA est utilisée dans les cas de crises durant depuis plus de six mois, c'est-à-dire à l’occasion d’un changement de graduel de situation – par exemple lors de la mise en œuvre d’un accord de paixExemple du conflit au Sri Lanka et du processus de paix au Soudan.. En revanche, elle ne fonctionnera pas au moment d’une crise brusque et brutale (déclenchement d’un conflit armé) car ce type d’évaluation porte sur un processus à long terme : les résultats produits par une EIA ne seront donc pas utiles dans ces situations d’urgence.

Pour que l’EIA fonctionne dans le cas d’une crise, plusieurs critères doivent être réunis :

  • Produire rapidement des résultats pouvant être mis à jour avec un minimum d’efforts.
  • Être utilisable par des non-spécialistes.
  • Ne pas nécessiter de données quantitatives.
  • Être directement liée aux réponses à la crise.
  • Incorporer l’apport participatif quand cela est possible.
  • Être intégrable à d’autres outils et processus d’évaluation.

Évaluation rapide des impacts environnementaux d’un désastre (REA)Le REA vient de finir sa première phase d’activité au moment de l’écriture de l’article (juillet 2004).

Le processus REA est conçu pour fournir aux non-spécialistes des moyens rapides d’identifier les problématiques environnementales importantes, par le recours à des témoignages d’organisations (ONG, collectivité locale) et de « communautés »; cette méthode est utilisable durant les 120 premiers jours après la crise. La REA comporte onze étapes dans l’identification des problématiques environnementales, ces étapes pouvant être accomplies dans des ordres différents selon les conditions (elles sont décrites sur le site de la REAhttp://www.adb.org/documents/guidelines/environmental_assessment/eaguidelines002.asp).

Les Évaluations Organisationnelles et Communautaires (OCAOrganisational and Community Assesments) bien que différentes dans leur mode opératoire partent toutes les deux d’informations générales sur les liens possibles entre la crise et l’environnement vers les considérations spécifiques de l’aide et ce jusqu’aux potentiels impacts de l’aide. Elles utilisent des témoignages et des « set of tables » afin d’identifier une large gamme de problématiques environnementales, avant la mise en œuvre de l’aide humanitaire.

L’Évaluation Communautaire cherche à identifier les problématiques liées au désastre environnemental qui affecte directement les communautés. Ces informations peuvent être collectées par des enquêtes sur le terrain, par le questionnement d’informateurs clés, par la consultation de rapports existants, etc. Ce travail peut être intégré à d’autres évaluations de terrain afin d’économiser du temps et de l’argent (par exemple à une étude de sécurité alimentaire).

Leçons apprises en utilisant la REA

La REA a été testée sur différents terrains, pendant ou juste après les crises, en Afghanistan, Éthiopie et Indonésie. À la suite de ces tests, un certain nombre de constats ont été faits :

Il y a une considérable résistance à conduire une évaluation supplémentaire.

Bien que la méthode ait été conçue pour être simple et facile à utiliser, quelques aspects peuvent devenir compliqués si le processus d'évaluation n'est pas entièrement compris. La REA a été initialement rédigée en anglais et cela peut poser des problèmes à ceux qui n'en ont pas une bonne maîtrise. Le document REA a été traduit en espagnol et des traductions supplémentaires sont planifiées.

- Malgré ces difficultés, le processus produit vraiment des résultats utilisables pouvant permettre des améliorations sur les aspects environnementaux et autres des opérations humanitaires.

Initialement, le processus de REA et les indicateurs Sphère sont étroitement liés. Cependant, la connaissance de Sphère n'est pas universelle. Il est donc devenu nécessaire de détacher le REA des normes Sphère, bien que ce lien puisse être facilement rétabli par des utilisateurs familiers de Sphère.

L'apport communautaire est essentiel pour le succès du processus d’évaluation.

Les personnes qui sont actuellement ou qui ont été impliquées dans des opérations de terrain semblent trouver plus facile de comprendre et utiliser le REA que d’autres acteurs ayant moins d'expérience de terrain dans l'évaluation rapide d’une crise.

Il y a une tendance à rendre le processus de REA plus compliqué qu’il n’avait été prévu lors de sa conception. Il semble que les utilisateurs (tant sur le terrain que lors des formations) essayent d'extraire du processus un maximum d’informations. Malheureusement, cette tendance fait que l’évaluation est plus exigeante et plus longue.

Conclusion

La REA présente des avantages significatifs pour la compréhension des liens entre environnement et crise ainsi que pour l’amélioration de la planification et de l’exécution de l’assistance humanitaire.

La REA continue à évoluer. C’est un modèle général qui doit être adapté en fonction des contextes spécifiques où il est utilisé. La REA doit être associée à d’autres outils d’évaluation afin d’être plus facilement mise en œuvre et parce qu’il existe des liens essentiels entre environnement et crise, liens qui concernent tous les secteurs de l’assistance humanitaire.

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Florence GIBERT, « L’heure de l’humanitaire vert ? », Groupe URD, Humanitaire en Mouvement [En ligne], 4, décembre 2009, URL : http://www.urd.org/spip.php?article17

Florence Gibert est spécialiste des problématiques environnementales dans les programmes de relèvement et de reconstruction. Elle a travaillé pour la Croix Rouge Française lors du Tsunami dans le programme de relèvement économique. Elle travaille avec l’URD comme chercheuse, évaluatrice de programmes.

Qu’elles aient lieu suite à une catastrophe naturelle ou à une guerre, les interventions des ONG humanitaires s’organisent dans un environnement fragile dont la capacité à supporter la crise, à retrouver un fonctionnement normal et un développement normal est plus qu’affaiblie. Les conséquences des crises (pollution d’eau potable par une usine chimique ; zones truffées de mines, polluées par les défoliants, irradiées par les munitions à l’uranium appauvri) peuvent devenir les causes d’une crise future.

Il est alors important et nécessaire de prendre en compte, dans l’intervention des acteurs humanitaires, l’impact environnemental. L’intervention des organisations humanitaires se fait en situation d’urgence avec comme objectif de répondre aux besoins vitaux des populations, sur le court terme. Aussi ces programmes de secours ne traitent pas des conséquences à long terme de la crise. En outre prendre en compte l’environnement dans les actions humanitaires est complexe. Les impacts sur l’environnement sont multifactoriels, décalés dans le temps : ces impacts tiennent aux moyens logistiques (transport aérien, terrestre, bureautique, etc.) et à des conséquences du travail médical (résidus d’emballages, restes d’infrastructures, déchets hospitaliers, etc.). Les camps de personnes déplacées ou réfugiéesÉtude de cas utilisée : déboisement massif du Parc National de la Virunga suite à l’afflux massif de réfugiés rwandais à l’est du Zaïre en 1994.sont l’exemple type de la sollicitation considérable des ressources environnantes  eau, bois, faune et flore – de manière non « durable ».

Intégrer ces considérations environnementales au sein des programmes humanitaires devrait devenir une priorité lors de leur conception et de leur mise en œuvre afin de prévenir des impacts négatifs et améliorer l’aide apportée. Ces pratiques à court terme sont des moyens supplémentaires pour anticiper les impacts de la crise car il faut garder à l’esprit que les dégâts occasionnés sur l’environnement lors d’interventions humanitaires compromettent à moyen et long terme l’avenir des populations touchées.

Les agences internationales et les ONG humanitaires, comme aujourd’hui tous les secteurs professionnels, devraient intégrer la prise en compte de l’environnement dans leurs activités d’urgence et de reconstruction. Justifier par le contexte d’urgence l’impasse faite sur la dimension environnementale ne peut plus de nos jours être considérée comme une pratique responsable; il faudrait tendre vers un modèle « ecologically friendly » qui devrait être défini par les différents acteurs humanitaires (agences onusiennes, ONG humanitaires, organismes internationaux). Il apparaît clairement que ces pratiques « écologiques » entreront en compte dans les exigences des bailleurs de fonds

La prise en compte de l’environnement dans l’action humanitaire n’est pas une contrainte supplémentaire pour les ONG si ces dernières l’ont intégrée dans le processus de conception de leurs programmes de secours mais bien un moyen supplémentaire de fournir une aide de qualité à court terme et de préparer la reconstruction à moyen et long terme.

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Christophe BUFFET, « Les humanitaires sont-ils prêts à relever le défi du changement climatique ? », Humanitaire [En ligne], 23, décembre 2009, mis en ligne 01 mars 2010, URL : http://humanitaire.revues.org/index598.html

Christophe Buffet est ancien coordinateur de mission pour Médecins du Monde et doctorant au Centre Alexandre Koyré (EHESS/CNRS) sur le thème « Changement climatique, Pays les Moins Avancés et ONG : expertise scientifique, enjeux politiques ».

Une préoccupation naissante

La 7ème Université d’Automne de l’Humanitaire (UAH), organisée par le groupe Urgence Réhabilitation Développement, avait pour thème « la prise en compte de l’environnement dans l’action humanitaire : un défi à relever ». Il en est ressorti que certaines ONG répondaient déjà en partie aux enjeux climatiques et à ses conséquences sur les populations. Cependant, des freins tels que le surcoût potentiel ainsi que la crainte de voir les projets refusés par les bailleurs de fonds ont été relevés. Mais le frein principal est identitaire. De nombreux témoignages des ONG présentes aux UAH mettent en avant les termes « ce n’est pas notre identité, notre métier », laissant ainsi ces préoccupations aux ONG environnementales.

Les freins à une vraie mobilisation

Le changement climatique est un enchevêtrement de thèmes (agriculture, énergie, industrie, eau, population, déforestation, développement, désertification…), qui aboutit à un « embouteillage politique » (policy gridlockEugene B SKOLNIKOFF, « The Policy Gridlock on Global Warning », Foreign Policy, 79, Summer 1990, p. 77-93.). Or le « modèle français » de l’action humanitaire privilégie la spécialisation des ONG par métiers (médecine, nutrition, etc.), tandis que le « modèle anglo-saxon » est organisé plutôt par thématiques (faim et pauvreté, droits des enfants). Ces différences de modèle de l’action humanitaire influent sur la perception des problèmes et la façon d’y réfléchir ainsi que d’y apporter des réponses.

Skolnikoff souligne en outre la dépendance des ONG par rapport aux scientifiques. Le « modèle français » est plutôt fondé sur les sciences du corps (médecine, nutrition, etc.), les autres sciences (sociales, humaines, naturelles,…) n’étant mobilisées qu’en périphérie de l’action. Cependant ce sont ces sciences « périphériques » qui sont en jeu dans le changement climatique.

Autre difficulté à appréhender : la prise en compte des impacts physiques et socio- économiques de l’action pourrait imposer des contraintes gênant le travail des urgentistes. Comment assumer la différence de temporalité entre l’action humanitaire (venant en aide aux populations avec une recherche d’efficacité immédiate) et la lenteur des évolutions du climatLe prochain rapport du Groupement d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat est prévu pour 2011 ; les experts visent à intégrer dans ce rapport des modèles de prévisions à dix ans. ? Une crainte s’exprime : celle de voir les activités ralenties du fait de devoir prendre plus en compte les conséquences environnementales des actions de secours.

Enfin, le changement climatique est un phénomène global impliquant une grande variété d’acteurs politiques et mobilisant des intérêts divergents : ceci complique les possibilités de trouver des accords et des solutions acceptables par tous.

Un nouveau défi

Les ONG humanitaires sont dorénavant interpellées sur les effets de deux siècles de développementUlrich BECK, La société du risque – Sur la voie d’une autre modernité, Paris, Champs, Flammarion, 2008.qui leur ont fourni les moyens d’interventions auprès des populations bénéficiaires. En outre, ces moyens d’interventions font maintenant figure de menace supplémentaire pour les populations vulnérables. Les différentes initiatives engagées par les ONG manqueraient d’un cadre d’action globale centralisant les avancées, les réflexions et interrogations de chacune. Les réticences identitaires ainsi que les débuts de réponses prouvent une prise de conscience progressive dont les objectifs, les moyens et la portée sont à construire collectivement. « Il ne s’agit pas moins que d’ajouter quelques gènes « vertes » à l’ADN des French Doctors. »

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Christophe BUFFET, « Humanitaires, verts et alters ? », Humanitaire [En ligne], 24, mars 2010, mis en ligne 04 juin 2010, URL : http://humanitaire.revues.org/index711.html

Christophe Buffet est ancien coordinateur de mission pour Médecins du Monde et doctorant au centre Alexandre Koyré (EHESS/CNRS) sur le thème « Changement climatique, Pays les Moins Avancés et ONG : expertise scientifique, enjeux politiques ».

« Au-delà de l’échec des négociations, le Sommet de Copenhague a montré une forte mobilisation de la « société civile » qui poursuit une forme de reconfiguration, en particulier entre les pôles environnementaliste, humanitaire/développement et altermondialiste. À l’occasion d’enjeux locaux ou globaux, des liens se tissent non seulement pour des plaidoyers communs mais également des actions de terrain. Les humanitaires sont amenés à reconsidérer leurs réseaux traditionnels, voire leurs modes d’action. »

Présente depuis 2004 aux Conference of Parties (COP), CARE s’est vu rejoindre dans l’arène climatique par de nouveaux acteurs de l’humanitaire. La nouvelle thématique « justice climatique » fut plus ou moins fédératrice tout en masquant une nuance importante qui distingue les mouvances altermondialistes. Deux « mouvances » font alors apparition. D’un côté, Attac et les Amis de la Terre, pour financer des programmes d’adaptation au changement climatique, réclament le remboursement d’une dette contractée par les pays développés pour l’utilisation excessive de leur part d’atmosphèreEn partant sur une notion d’atmosphère comme bien commun de l’humanité, idée s’inspirant de Wallace Broecker (Wallace S. BROECKER et al., «Climate Change : CO2 Arithmetic », Science, 315, 1371, 2007).et souhaitent également l’abandon des mécanismes de marché tels que le « Mécanisme de développement propre » ainsi que la réorientation des budgets militaires. De l’autre, les principales ONGEGreenpeace, WWF, IUCN, CI., OSIOxfam, CARE, FICR, Global Humanitarian Forum., ONG des droits de l’hommeAmnesty International, FIDH.réclament avec la campagne TckTckTck un accord « équitable, ambitieux et obligatoire » (Fair, Ambitious, Binding) mettant en avant la responsabilité historique des pays du Nord mais excluant l’aspect dette et l’abandon des mécanismes de marché. Cependant, ces deux coalitions ne sont pas étanches et certaines ONG naviguent entre les deux.

Le terrain environnemental a rassemblé le « triangle »ONGE, OSI et mouvements altermondialistes.des précédents forums sociaux mondiaux avec cependant cette fois-ci des liens plus étroits entre ONGE et OSI. Bien que les visions de ces composantes de la société civile soient différentes, elles peuvent se recouper sur certains points. L’idée de rendre vivant les chiffres du GIECGroupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.grâce aux témoignages de terrain est mise de côté. Les acteurs humanitaires pourraient se positionner dans la sphère climatique en prenant mieux en compte les besoins des populations bénéficiaires par le biais de trois mesures :

Établir une démarche durable de plaidoyer et de sensibilisation en apportant des témoignages terrains pour faire remonter l’adaptation climatique en haut de l’agenda international.

Orienter les stratégies d’interventions sur le terrain : inclure des tendances à long terme dans les programmes, inclure des mesures de prévention par la diffusion des programmes de Disaster risk reduction, « stratégies sans regrets »« Stratégies qui se justifient économiquement et écologiquement, que l’on se dirige ou non vers une modification rapide du climat. Il peut s’agir d’arrêter de subventionner des activités allant à l’encontre de l’adaptation, de créer des avantages supplémentaires (meilleure compétitivité de l’industrie s’appuyant sur une anticipation des procédures d’adaptation, etc.) ». Définition de l’Observatoire National sur les Effets du Réchauffement Climatique (ONERC), http://www.onerc.org., etc.

Joindre le geste à la parole en participant aux mesures collectives de « décarbonisation » des activités humaines et élargir leur engagement éthique aux dimensions intergénérationnelles et géographiquesVoir Hans JONAS, Le principe responsabilité, une éthique pour la civilisation technologique, Paris, Cerf, 1990.. Ce point est important mais il promet des négociations et arbitrages complexes des modes et moyens d’actions, particulièrement pour les humanitaires français attachés à l’accès direct aux « victimes ».

La mobilisation d’une société civile multiple et interconnectée a donné l’exemple et montré son efficacité dans des luttes globalesDans la lutte contre le sida notamment.. Ce type de mobilisation ouvre donc des perspectives pour le champ climatique où il paraît nécessaire d’approfondir les liens entre l’ensemble des composantes de la société civile tout en gardant les spécificités de chacune d’entre elles. On peut citer l’exemple d’ACF et son partenariatÉtude sur les populations pastorales et agropastorales du Mali.avec l’Institute of Development Studies (IDS), Tearfund, AZ Consult, et l’Institut d’économie rurale du Mali. De son côté, WWF-USA a développé un guideline de reconstruction « verte » en partenariat avec la Croix-Rouge, suite au Tsunami ainsi qu’à la demande de CARE : ces alliés ont en commun conduit une « évaluation environnement rapide » (REA) après le cyclone Jowke au Mozambique (en 2008). Ces partenariats réalisent une stratégie de travail en commun alliant ONGE et OSI, stratégie prônée notamment par le président de CARE France.

Les rapprochements entre ONGE et OSI manifestent une prise de conscience des problématiques environnementales de la part des acteurs humanitaires. Il serait cependant nécessaire, à l’occasion ce travail en commun de mieux diffuser les problématiques environnementales au sein des OSI ainsi que de les inclure dans des stratégies à moyen et long terme lorsque ces Organisations en adoptent.

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Florence GIBERT, Pierre CARRET, « Crise de la biodiversité : pourquoi les acteurs humanitaires sont-ils concernés ? », Humanitaire en Mouvement [En ligne], N° 6, septembre 2010, URL : http://www.urd.org/spip.php?article541

Florence Gibert est attachée au Groupe URD, elle travaille sur les interactions entre l’environnement et les crises humanitaires.
Pierre Carret est expert en biodiversité, conseiller du directeur du Fonds de partenariat pour les écosystèmes critiques (Critical Ecosystem Partnership Fund, CEPF).

La notion des services écosystémiques

Les services écosystémiques, c’est-à-dire délivrés par les écosystèmes, sont les avantages que nous tirons de la nature pour la fourniture d’eau, de nourriture, de combustible, de matériaux, mais aussi la régénération des sols, la régulation du climat, etc. Ce concept a été développé par l’Évaluation des écosystèmes pour le millénaire commandée par l’ONU en 2000http://www.millenniumassessment.org/fr/Global.aspx., qui distingue les services d’approvisionnement et les services de régulation des cycles naturelsLes services d’approvisionnement comprennent la nourriture, l’eau douce, le combustible, les matériaux, les médicaments; les services de régulation sont la régulation du climat local / global, la protection des bassins versants, la purification de l’eau, de l’air, la pollinisation, la régulation des ravageurs, la lutte contre l’érosion, la prévention des inondations..

L’importance de la biodiversité pour la survie des écosystèmes

L’importance de la biodiversité n’est aujourd’hui pas encore reconnue au même titre que l’importance des écosystèmes. Il n’est pas encore communément connu que la biodiversité est la condition de la viabilité des écosystèmes. Une espèce animale disparaît, et c’est une réaction en chaîne, avec au final une dégradation de l’écosystème et des services qu’il remplissait auparavantEtude de cas de la noix du Brésil récoltée dans les forêts naturelles de Bolivie, du Brésil et du Pérou..

On peut métaphoriquement comparer la biodiversité à un avion : « l’avion peut continuer à voler malgré la perte d’un rivet, puis d’un autre… jusqu’au rivet de trop ».

Services écosystémiques et action humanitaire

Le lien entre services écosystémiques et action humanitaire n’apparaît peut être pas clairement aux yeux des acteurs humanitaires alors qu’ils les utilisent dans leurs programmesExemple d’un camp/site de réfugiés/déplacés : l’écosystème forestier donne les moyens de répondre aux besoins en bois, combustible, matériaux de construction, faune et flore pour l’alimentation. La nourriture « sauvage » fait partie des stratégies de survie des populations.. Lorsque ces services écosystémiques sont gérés durablement par l’aide humanitaire (c'est-à-dire que le prélèvement est inférieur à leur taux de renouvellement) c’est une stratégie judicieuse. Cependant, dans la pratiqueDéforestation en Haïti, dans la région nord de l’Est du Tchad., les écosystèmes souffrent des programmes de l’aide humanitaire en engendrant des dégâts pour les populations locales qui en profitaient. Il est donc nécessaire de trouver des alternatives tant sur le plan du combustible, des matériaux de construction, de l’alimentation afin de répondre aux besoins immédiats des populations refugiées/déplacées. Outre la responsabilité environnementale des acteurs humanitaires, la question de la sécurité de ces derniers est aussi mise en avant. La sécurité du transport d’énergie combustible (une partie sous forme de pétrole) - convoitée par les groupes armés - est un enjeu indirect de cette préoccupation environnementale.

Il convient alors pour les acteurs humanitaires de pouvoir confier aux services écosystémiques un maximum de tâches et, de leur côté, de développer les réflexes de :

Se rapprocher des acteurs de la biodiversité présentsWWF, UNEP, UICN, CI, WCS, AWF, African Parks, etc. (liste non exhaustive).lors d’interventions dans des zones de riche biodiversité.

Réduire au maximum l’impact des programmes sur la biodiversité.

Être attentifs à l’utilisation de la biodiversité dans les conflitsÉtude de cas : trafic d’ivoire de certains chefs de guerre dans la région Tchad-Soudan-RCA à destination du Yémen puis de l’Asie (Chine principalement)..

Utiliser l’opportunité de la biodiversité dans les programmes

Sur le plan social et économique, l’utilisation des écosystèmes peut être une piste pour le développement des activités économiques à condition qu’elle soit faite de manière « durable ». Par exemple, pour réhabiliter le milieu de vie d’une population locale sinistrée afin de permettre à celle-ci d’avoir un minimum d’autonomie au sein des programmes mis en place par l’aide humanitaire.

Prendre en compte la biodiversité dans les programmes d’aide humanitaire est un défi. Exemple d’un programme de relance agricole : les distributions de semences et d’outils sont une chance pour les paysans, cependant les semences distribuées sont majoritairement achetées à l’étranger contribuant à l’appauvrissement des variétés locales. La complexité et la diversité des systèmes agraires des pays en voie de développement sont adaptées aux milieux naturels locaux dans lesquels les variétés commerciales ne « fonctionnent » pas au maximum de leurs capacités.

Est-il possible d’imaginer une biodiversité très réduite sur notre planète, fragilisant l’ensemble des écosystèmes qui rendent la Terre habitable ? Parmi les crises environnementales (changement climatique, pollution), la question de la biodiversité est peut- être la plus importante. Les auteurs estiment qu’une prise de conscience et une mobilisation de tous les acteurs sont nécessaires, et tout particulièrement des acteurs humanitaires évoluant dans des écosystèmes fragilisés par des crises, des conflits. Au-delà de la responsabilité environnementale des acteurs humanitaires, c’est la qualité de l’action humanitaire qui pourrait être améliorée en prenant en compte ces préoccupations.


III. Production des normes

Au cours des vingt dernières années, la « main mise » des pays développés sur l’aide humanitaire internationale a été renforcée par la diffusion d’un mode de gouvernance spécifique qu’ont défini les bailleurs de fonds et les ONG. Les bailleurs de fonds imposent aux ONG - dont certaines sont très dépendantes - un mode de fonctionnement fondé sur la rationalité, l’efficacité, l’approche stratégique, ainsi qu’une « bonne gouvernance ». Ces critères » sont de plus en plus intériorisés par nombre d’ONG humanitaires : les productions de « guides », de « codes de conduite », de systèmes d’évaluation et de classement des ONG nous le prouvent assez bien

Si nombre d’ONG d’Europe, du Moyen-Orient, d’Afrique du Sud, des deux Amériques se sont adaptées aux nouvelles exigences normatives, qu’en est-il des ONG créées dans les pays d’intervention? L’adaptation aux normes est devenue une condition à l’attribution d’un financement international, or la plupart des ONG locales n’ont pas ou plus les moyens financiers et humains d’opérer en se conformant au modèle de la « bonne gouvernance ». Aujourd’hui les bailleurs de fonds se servent de cette conformité au « bon » modèle pour faire « du tri » dans les programmes et les demandes de financement, et ceci en général au détriment des ONG locales. Doit-on rappeler que lors d’une catastrophe ou d’un conflit, les premiers secours proviennent des habitants et des ONG locales…

Les normes, codes de conduite, chartes et autres systèmes de régulation ne portent que rarement sur les effets environnementaux du travail humanitaire. Nous constatons que la recherche de qualité ne conduit pas à définir des normes spécifiques traitant de ces effets. Le Code de conduite du Comité International de la Croix-RougeNotons que le CICR est une institution et non une ONG fait exception.


A. Code de conduite pour le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et pour les ONGs lors des opérations de secours en cas de catastrophes

Préparé conjointement par la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et le Comité international de la Croix-Rouge..

Dans l’un de ses articles, ce Code, élaboré en 1994, associe la préoccupation environnementale à la définition puis à la gestion des programmes de secours ; il fait de cette préoccupation un impératif pour toutes les opérations de secours.

Section 8 du Code de conduite du CICR

« Les secours doivent autant viser à limiter les vulnérabilités futures qu'à satisfaire les besoins essentiels
Toutes les opérations de secours exercent un effet - positif ou négatif - sur les perspectives de développement à long terme. Nous chercherons donc à mettre en œuvre des programmes de secours qui limitent la vulnérabilité des bénéficiaires à l'égard de catastrophes futures et qui les aident à subvenir à leurs besoins. Nous accorderons une attention particulière aux préoccupations relatives à l'environnement dans la conception et la gestion des programmes de secours. En outre, nous ferons tout pour réduire au minimum les effets négatifs de l'assistance humanitaire, en cherchant à prévenir la dépendance durable des bénéficiaires à l'égard de l'aide extérieure. »

« Nous ferons tout »… mais comment ?


B. Projet Sphère

Source : http://www.sphereproject.org.

Le Projet Sphère a été initié en 1997 par un groupe d’ONG humanitaires associées au Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Leur objectif était d’améliorer la qualité de l’aide apportée aux populations sinistrées et de consolider la « redevabilité« Redevabilité » correspond à « accountability » : c’est un anglicisme signifiant l’obligation de rendre compte, d’expliquer, de respecter les principes de transparence et de traçabilité permettant d’identifier qui a agi. Source : http://www.crefige.dauphine.fr/recherche/actualite/octobre.htm; consultée le 24/01/2011. » du système humanitaire lors des réponses aux catastrophes.

Sphère prend appui sur deux principes normatifs présentés comme des convictions-clés : premièrement, il faut prendre toutes les mesures possibles pour soulager les souffrances humaines provoquées par les catastrophes et les conflits ; deuxièmement, les personnes sinistrées ont le droit de vivre dans la dignité et par conséquent de recevoir une assistance.

Sphère recouvre trois composantes : un manuel, un vaste processus de collaboration et l’expression d’un engagement concernant la qualité et la « redevabilité ».

Le Projet Sphère a été conçu comme un processus ouvert. Des centaines d’organisations représentant plus de 80 pays ont effectivement participé à différents aspects du Projet Sphère, de la conception et la révision du manuel à la supervision du déroulement du projet et à la formation. Les éditions du manuel ont été régulièrement révisées depuis 1997.

Un grand nombre de collaborateurs techniques de l’ONU ont pris part à l’élaboration des normes minimales. De plus, les références de chaque chapitre proviennent majoritairement d’agences des Nations Unies (OMS, PAM, UNICEF, HCR, OCHA). En outre, le Comité permanent inter-agences des Nations Unies (IASC) a adopté le manuel Sphère et invité tous ses membres (agences opérationnelles de l’ONU et partenaires humanitaires) à recourir au manuel. Les indicateurs et normes Sphère sont également utilisés dans les Appels de Fonds Consolidés (CAP) ainsi que dans le nouveau mode d’évaluation des projets et des besoins.


C. COMPAS Qualité

http://www.compasqualite.org.

La Méthode COMPAS Qualité est spécifiquement conçue pour l'aide humanitaire. Elle porte sur le pilotage des projets et sur leur évaluation avec l’objectif d’améliorer en permanence la qualité du service rendu aux populations affectées par les crises.

Cette méthode de pilotage et d’évaluation de l'action a aussi pour objectif de crédibiliser les ONG, de fonder la confiance, en aval vers les bénéficiaires et en amont vers les donateurs et bailleurs. Comment assurer la « redevabilité » d’un programme ? Suivre la méthode Compas Qualité permettrait aux acteurs humanitaires d’argumenter et renforcer leurs rendus de compte, de démontrer le caractère responsable de leurs engagements, de fonder ainsi la confiance

Le COMPAS Qualité est basé sur trois principes :

Le principe de l'Assurance Qualité : mieux vaut prévenir que guérir. Il s'agit dans un premier temps de repérer les points critiques : le point critique, c'est toute activité, tout facteur, qui peut et doit être maîtrisé pour prévenir un ou plusieurs risques identifiés. Dans un deuxième temps, on prévient la non-qualité par des dispositions s'appliquant aux points critiques.

La Qualité n'est jamais atteinte : elle reste un objectif permanent. Par définition, une démarche Qualité est un mouvement sans fin, dynamique : c'est le principe de l'Amélioration Continue de la Qualité (ACQ), qui peut se traduire sur le plan opérationnel par une politique « des petits pas ». De fait, la qualité ne peut en aucun cas se définir par l'adéquation à des normes universelles préétablies, ce serait irréaliste et sclérosant.

Pour s'adapter aux terrains mouvants et complexes de l'aide humanitaire, la démarche proposée est basée sur le questionnement (« la qualité par le questionnement »), faisant appel à l'intelligence des utilisateurs. Elle s'inspirerait donc de la maïeutique socratiqueMéthode dialectique par laquelle Socrate conduisait ses interlocuteurs à découvrir les vérités qu'ils portaient en eux, sans qu’ils le sachent avant le dialogue socratique. Source : http://dictionnaire.sensagent.com/maieutique. : le questionnement est plus fécond que la réponse ou l'affirmation.


IV. Centre de ressources en ligne

Opérationnel depuis le 10 août 2010, à l'occasion de la Journée Mondiale de l'Aide Humanitaire, le « Centre de Ressources pour l'Inclusion de l'Environnement dans l'Action Humanitaire constitue la première collection en ligne d'informations pratiques expliquant comment intégrer les problématiques environnementales à l'action humanitaire »40.

Ce nouveau centre de ressources en ligne a été développé par le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) en collaboration avec une vingtaine d’organisations internationales. Il a pour objectif d’aider les agences et les ONG à mieux intégrer les problématiques environnementales dans l’action humanitaire. Les documents issus de ce travail collégial entre le PNUE et des organisations internationales sont téléchargeables directement sur le site et en accès libre.

A. Organisation du centre de ressources en ligne

Le centre de ressources est organisé comme un manuel pratique à destination des professionnels de l’humanitaire. Il est articulé par clusters (des Nations Unies), Cross-Cutting Issues (problématiques croisées) et Environmental Issues (problématiques environnementales).

La documentation est répartie entre tous les clusters des Nations Unies à savoir : agriculture, coordination de camps, relèvement précoce, éducation, abris d’urgence, télécommunication d’urgence, santé, logistique, nutrition, protection et eau/hygiène/assainissement. Est ainsi mise à disposition une multitude de documents (guideline, études de cas, outils de formation, etc.) en lien direct - et parfois indirect - avec la problématique de la prise en compte de l’environnement dans de l’action humanitaire.

Ces documents intègrent une multitude d’informations, ils peuvent donc être assez difficiles à « prendre en main », il n’est donc pas aisé de faire des recherches au sein des documents sans utiliser des mots-clefs.

Capture d'écran de site

Capture d’écran du site Internet: http://postconflict.unep.ch/humanitarianaction

Nous présentons un échantillon des documents disponibles sur ce centre de ressources en ligne. Nous avons sélectionné les documents relevant du cluster « Santé » et du cluster « Eau, assainissement et hygiène».

Santé :

  • Guides :
    • Health Cluster Guide (IASC & WHO 2009)
    • Management of Solid Health-Care Waste at Primary Health-Care Centres: A Decision-Making Guide (WHO 2005)
    • Four Steps for the Sound Management of Health-Care Waste in Emergencies
  • Outils :
    • Health Resources Availability Mapping System – HeRAMS (Health Cluster)
    • Acute Chemical Incidents: Basic Checklist (Health Protection Agency)
    • Non-Domestic Fire Checklist (Health Protection Agency)
    • Products of Combustion (Health Protection Agency)
  • Ressource :
    • Healthcare Waste Management (WHO)

Eau, assainissement et hygiène (WASH) :

  • Guides :
    • Integrating Critical Environmental Issues into WASH Cluster Activities (CARE)
    • Water, Sanitation and Hygiene Cluster Coordination Handbook (Global WASH Cluster 2009)
    • Excreta Disposal in Emergencies: A Field Manual (UNICEF 2007)
    • UD Toilets and Composting Toilets in Emergencies (Oxfam)
    • Waste Management in Minimal Situations (WHO and ProAct)
  • Outils :
    • Technical Drawings Sustainable Sanitation Alliance (SuSana)
    • Sustainable Sanitation for Emergencies and Reconstruction Situations (SuSana 2009)
  • Études de cas :
    • Ecological Sanitation in Earthquake Area (SuSana and Clean Water Alliances)
    • Case Studies Sustainable Sanitation Alliance (SuSana)
    • World Wide Project List and Project Descriptions for EcoSan
  • Ressources :
  • Innovations in Emergency Situations: Sanitation (SuSana)

Sustainable Sanitation Alliance (SuSana): Working Group on Sustainable Sanitation in Emergencies and Reconstruction Situations
Association Toilettes Du Monde
WASH Cluster Learning Google Group


V. MSF et l'impact environnemental des missions

Après avoir procédé à une recherche documentaire sur la prise en compte de l’environnement dans l’action humanitaire, nous avons réalisé cinq entretiens au siège de MSF-F : ils ne constituent pas un sondage mais un recueil d’expériences et de points de vue auprès d’acteurs MSF accessibles au moment de notre recherche. Nous avons recherché des personnes exerçant différents métiers et intéressées par notre enquête. Nous voulions savoir si les préoccupations environnementales étaient présentes au sein de différents départements. Trois « thématiques principales » émergent de ces entretiens : nous en rendons compte par des citations extraites des discussions. Deux retranscriptions complètes sont disponibles en annexe. Les noms et prénoms des personnes interrogées sont symbolisés par une lettre afin de garder leur « anonymat ».

« Absolument, l’environnement est à prendre en compte chez MSF, et je me réjouis qu’il y ait en ce moment des gens qui se préoccupent de l’eau, d’autres des métaux lourds, des choses comme cela. C’est vraiment une très très bonne initiative. ». D.


A. Destruction des médicaments

« Je peux citer le Burkina Faso, le Tchad, le Mali, où les médicaments sont détruits dans un trou à l’air libre avec du gasoil, ils sont brûlés sous la surveillance de l’Inspection pharmaceutique du pays, c’est-à-dire que c’est la procédure normale, légale. » A.

« La dilution des médicaments dans des rivières nous pose un problème éthique à nous les pharmaciens et à certains logisticiens aussi. Cela fait partie des recommandations de l’OMS d’écraser [pour des formes sèches] les comprimés pour les réduire en poudre et les mettre dans une rivière à fort débit, mais ces recommandations ne définissent pas la rivière à fort débit. ». A.

« En terme environnemental, j’ai toujours eu une grosse question et je pense que ça n’a pas avancé, c’est sur la destruction des médicaments. Je pense qu’il faut que l’on fasse attention sur les volumes de commande, ne pas sur-dimensionner pour ne pas se retrouver avec des périmés. C’est parfois difficile. Tu imagines que tu vas avoir une grosse urgence, tu commandes un kit entier et finalement il ne se passe rien, tes médicaments tu ne les utilises pas, personne n’est intéressé par des donations donc tu te retrouves avec ce stock sur les bras. Tu as des pays où tu n’as pas le droit de les détruire toi-même donc tu les donnes aux ministères de la Santé mais tu ne sais pas ce qu’ils en font. La plupart n’ont aucune directive.

À mon avis, au final tout est brûlé ou balancé dans la rivière. Ça c’est un souci. Même nous, nous n’avons pas de guides techniques : j’ai posé la question plusieurs fois à MSF-Logistique à Bordeaux et ils m’ont dit « c’est en cours ». Je n’ai jamais vu de guide qui me disait « tel médicament, tel antibiotique c’est toxique dans l’eau donc il faut que cela soit mis dans le béton ou inactivé de telle ou telle façon », c’est ça le problème. Au final, quand tu donnes les périmés aux Ministères, je suis sûre qu’ils les jettent et que tu te retrouves avec des antibiotiques dans l’eau, où les animaux peuvent venir boire - c’est un problème. Personne n’est capable de nous dire comment faire. On stocke, on stocke ! Dans certains endroits, comme au Darfour, MSF-H s’était fait pourrir (et nous aussi) par le Ministère et le HAC [la coordination de l'aide humanitaire soudanaise] car nous avions détruit des périmés. Ils nous avaient interdit de détruire nous mêmes les médicaments, mais si on les leur avait donnés, ils auraient tout brûlé. ». M.

Photo

© Nicola Vigilanti

« Il faudrait systématiser, donner des recommandations un peu plus cadrées car le terrain en demande. Les coordinateurs médicaux me demandent « on fait quoi avec les médicaments ? », les pharmaciens aussi le demandent. Chaque médicament a sa spécificité donc cela serait bien que quelqu’un puisse donner des recommandations, au minimum pour les médicaments qui sont beaucoup utilisés. ». M.

B. Gestion des déchets médicaux des hôpitaux

« On voyait qu’il y avait un souci de propreté mais la question après était “qu’est ce que l’on fait de nos déchets, comment les détruit-on ?” » A.

« On essaye de faire attention. Ce n’est pas pas tant au niveau du risque environnemental mais par rapport au risque sanitaire, pour ne pas que les gens se blessent ou se contaminent avec des déchets souillés. Au niveau des protocoles médicaux, on essaie d’avoir une gestion des déchets de plus en plus stricte. C’est plus dans le sens sanitaire pour éviter les contaminations car nous avons beaucoup de projets dans des endroits où il y a des résistances aux antibiotiques, du coup tes déchets doivent être traités correctement. » M.

Incinérateurs

« Je pense qu’il nous faudrait des guides et des recommandations sur la destruction des médicaments. Dans le cas d’Amman - et nous avons les même questions pour le Pakistan où l’on va ouvrir un hôpital à Peshawar -, on ne peut pas mettre un incinérateur parce que l’on est dans une zone résidentielle et que les voisins ne veulent pas des fumées. Même si l’on met un modèle plus cher et plus performant, il y aura toujours le problème de l’acceptation et on ne veut pas avoir de problèmes avec les voisins. On a donc décidé de sous-traiter à une compagnie qui dispose d’un terrain à l’extérieur avec incinérateur, fosses à déchets, etc. On a été visité le site, l’incinérateur n’est pas top et le deal c’est que l’on bosse avec eux, on leur fait un contrat pour leur construire un nouvel incinérateur sur leur terrain. Même si l’on sous- traite, on peut se dire que l’on assume le fait d’avoir un droit de regard sur toute la chaîne. Mais est ce qu’on assume le fait de mettre de l’argent là-dedans car ça coûte de l’argent ? Moi je pense que c’est aussi important que les dépenses pour des antibiotiques. C’est un vrai boulot entre médicaux et logisticiens de décider de ce genre de chose. Après, lorsqu’on présente cela sur un budget, que les Responsables de programmes et la direction des Opérations ne nous disent pas « ça coûte cher ». Cela reviendrait à dire que « ce n’est pas bien de bien gérer ses déchets ». M.

Photo

© Aurelie Baumel / MSF

Enfouissement

« On fait un maximum pour éviter de sur-polluer. C’est vrai que l’on produit des déchets. Quand c’est possible on s’adresse à une société qui s’occupe de l’enfouissement ou de la destruction - c’était le cas à Mayotte -, sinon notre système c’est l’enfouissement et l’incinération. L’enfouissement est souvent illusoire : en Éthiopie, on avait creusé des grands puits, on enfouissait les déchets de toutes sortes, c’était mal protégé, les gamins soulevait les couvercles et puisaient là dedans, ça faisait une espèce de favelas à ciel ouvert. » D.

« Je ne sais pas quelle est la composition exacte des sachets de Plumpy’Nut®, le fait est ce sont des déchets qui sont incinérés et que l’on enfoui. Mais ce qui est enfoui va arriver dans une nappe phréatique qui est déjà extrêmement pauvre : qu’est ce que l’on peut faire ? Je ne sais pas. » D.

Sous-traitance

« Quand on intervient tout au long de la chaîne, on arrive plus ou moins bien à gérer les déchets. Dans d’autres cas ce n’est pas nous qui gérons l’incinération ou la décharge, mais un intervenant privé. Il y a des exemples un peu catastrophiques concernant des déchets très contagieux. Par exemple à l’hôpital d’Amman (Jordanie) : MSF y fait de la chirurgie sur des patients très infectés ; c’est un hôpital assez petit qui n’a pas d’aire de déchets, donc ceux-ci sont envoyés ailleurs. En attendant, ils sont stockés dans des poubelles à l’arrière de l’hôpital. C’est la croix et la bannière quand nous discutons avec les gestionnaires de cet hôpital pour avoir au moins des zones protégées. Tu n’as même pas de couvercles, les chats sortent des compresses infectées des poubelles alors que tu as des cas d’infections résistantes aux antibiotiques usuels. » M.


C. Exemple du Plumpy’Nut®

« Vu les quantités que l’on brasse, il est difficile de séparer le produit et les emballages, de les ouvrir un par un pour mettre d’un côté les cacahouètes que l’on va brûler et de l’autre l’emballage alu/plastique. C’est un problème qui, à ma connaissance, n’a pas de solution. “Que ce soit consommé ou non consommé qu’est ce que l’on fait de l’emballage ?” » A.

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© Michael Goldfarb/MSF

« Clairement il n’y a pas de sensibilisation lors de la distribution au sein du Centre nutritionnel (CNT) ; il y a une sensibilisation sur ce que la mère doit donner à son gamin, mais pas sur les sachets. Il faut que cela vienne de nous, sinon il ne se fera rien. » D.

« Au Malawi par exemple, ce qui complique le problème c’est que l’on n’achète pas du Plumpy’Nut® de la marque Nutriset. Le fournisseur local fait sa préparation avec la même recette mais il utilise des pots en plastique avec couvercle. Là on se dit que probablement les gens les gardent pour les réutiliser - dans un endroit où les gens n’ont pas grand-chose, ces choses-là ils ne le jettent pas. Mais si les gens les jetaient, ce serait plus compliqué à gérer qu’avec l’emballage Nutriset. » M.


D. Documents MSF (en annexes)

Table des matières du Manuel EcoLog de MSF-B
Table des matières du rapport « Etat des lieux de l’impact environnemental de MSF- CH »
Table des matières du rapport « Support à la gestion des déchets : déchets dangereux 2010 de MSF-F »


VI. Références bibliographiques

Revue en ligne Humanitaire en mouvement, groupe URD :
N°4, décembre 2009, « L’heure de l’humanitaire vert ? », Florence Gibert, groupe URD, http://www.urd.org/spip.php?article17

N°4, décembre 2009, « Généraliser l’environnement au sein de l’action humanitaire », Renard Sexton, Tom Delrue, groupe URD http://www.urd.org/spip.php?article113

N°4, décembre 2009, “Mauvais temps pour la planète”, François Grunewald, groupe URD http://www.urd.org/spip.php?article133

N°6, septembre 2010, « Crise de la biodiversité : pourquoi les acteurs humanitaires sont-ils concernés », Florence Gibert et Pierre Carret, groupe URD http://www.urd.org/spip.php?article541

Revue en ligne Humanitaire, enjeux, pratiques, débats, MDM :

N°23, décembre 2009, « Les humanitaires sont-ils prêts à relever le défi du changement climatique », Christophe Buffet, http://humanitaire.revues.org/index598.html

N°24, mars 2010, « Humanitaires, vert et alters ? », Christophe Buffet, http://humanitaire.revues.org/index711.html

Revue Humanitarian Exchange Magazine, Humanitarian Practice Network :

Issue N°4, Septembre 1995, « The impact of Refugees on the environment and Appropriate Responses », Gill Shepherd, http://www.odihpn.org/report.asp?id=1157

Issue N°14, juin1999, « The Environmental Response Network »,

Humanitarian Practice Network, http://www.odihpn.org/report.asp?id=1063

Issue N°27, juin 2004, « Including the environment in humanitarian assistance », Charles Kelly, http://www.odihpn.org/report.asp?id=2638

Articles et communiqués de presse :

23 septembre 2009, « Des responsables d’ONG travaillent à mieux respecter l’environnement », AFP
08 décembre 2009, « Les ONG et l’alerte écologique », Sylvie Ollitrault, http://www.laviedesidees.fr/Les-ONG-et-l-alerte-ecologique.html
19 août 2010, « Les opérations humanitaires se mettent au vert »

Programme des Nations Unies pour l’Environnement, http://www.unep.org/Documents.Multilingual/Default.asp?DocumentID=6 46&ArticleID=6724&l=fr

Rapports :

Actes de la 7ème Université d’Automne de l’Humanitaire, 22 au 24 septembre 2009, « La prise en compte de l’environnement dans l’action humanitaire : un défi à relever », Groupe URD, http://www.urd.org/spip.php?article163

Sites Internet consultés :

Mainstreaming the Environment in Humanitarian Action (PNUE) http://postconflict.unep.ch/humanitarianaction/

Programme des Nations-Unies pour l’Environnement (PNUE) http://www.unep.org/french/

Groupe Urgence Réhabilitation Développement http://www.urd.org/

Nations Unies, Action Humanitaire http://www.un.org/fr/humanitarian/

United States Agency for International Development (USAID) http://www.usaid.gov/

United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs (OCHA) http://ochaonline.un.org/

Commission Européenne Aide Humanitaire et Protection Civile (ECHO) http://ec.europa.eu/echo/index_fr.htm

Autres : Vidéo “Et si l’environnement comptait…”


VII. Conclusion

Les personnes interrogées à MSF-F étaient toutes d’accord pour reconnaître qu’actuellement la préoccupation environnementale n’était pas intégrée dans les actions de terrain. Il reste cependant que nos interlocuteurs ont tous insisté sur l’importance attribuée par les équipes à l’objectif de réduire autant que possible les risques sanitaires liés aux pratiques médicales, en particulier par la gestion des divers déchets que ces pratiques produisent inévitablement. Signalons que notre stage se déroulait de fin novembre 2010 et à janvier 2011, alors qu’éclatait la controverse publique sur l’origine de l’épidémie de choléra à Haïti.

Il est ressorti des entretiens que la problématique environnementale reste, à ce jour, un souci personnel exprimé par des individus : l’expression de ce souci prend une tonalité éthique plutôt que politique. Les réflexions sur ce sujet sont dépolitisées, ne remettant pas directement en cause les pratiques de MSF-F sur ses terrains d’interventions.

L’engagement collectif sur des questions environnementales ne peut passer que par l’émergence d’un débat et de discussions entre le personnel terrain et celui du siège. En effet, nombre d’articles et de témoignages (ne portant pas spécifiquement sur MSF) soulignent que les réticences proviennent en général des équipes terrain : leur principale crainte est celle de voir les programmes s’alourdir, se ralentir, au point de devenir irréalisables si la thématique environnementale devait être intégrée aux opérations.

Jusqu’à présent, la responsabilité environnementale lors des interventions MSF-F n’a jamais été une source de questionnement du grand public, ni des donateurs de l’Association comme le montre l’enquête « À l’écoute des donateurs de MSF-F »Enquête menée du 1er au 7 juin 2010 en partenariat avec Recherches et Solidarités.. En effet, l’environnement n’arrive qu’en 9ème position dans les causes soutenues par les donateurs MSF-FLa hiérarchie des causes humanitaires en France, selon le baromètre Ifop – France générosités de mai 2010, classe l’environnement à la 16ème place des causes soutenues par les Français., les premières étant l’aide médicale internationale, l’aide au développement des pays en difficulté, la santé et l’action d’urgence à l’occasion de catastrophes naturellesLes causes soutenues en priorité par les donateurs MSF-F sont dans la hiérarchie des causes humanitaires en France, selon le baromètre Ifop – France générosités mai 2010, classées en 13ème, 14ème et 15ème position.. On risque d’en tirer la conclusion que les préoccupations environnementales peuvent bien rester un sujet mineur pour MSF. Nous n’adopterions pas ce point de vue.

Depuis plusieurs années, certains médias publient périodiquement des classements d’Associations caritatives. Cette démarche (le « benchmarking ») consiste dans la fabrication et la publication de palmarès visant à hiérarchiser des organisations en fonction de normes définies par les médias ou des cabinets de consultants. Jusqu’à ce jour ces normes portent principalement sur des indicateurs de gestion financière (« part consacrée aux œuvres », frais de collecte, frais de fonctionnement)Voir, à ce sujet, l’article « Associations caritatives : celles qui méritent vos dons… et les autres », Capital, décembre 2010. . L’impact environnemental des interventions humanitaires n’est pas encore devenu un repère normatif à partir duquel seraient évaluées les associations humanitaires. Cependant, la présence importante prise par les convictions écologiques dans les débats publics et la forte influence de ces convictions peuvent à terme modifier la donne.


Glossaire et définitions

Glossaire

ACF : Action Contre la Faim

ATTAC : Association pour la Taxation des Transactions financières et pour l’Action Citoyenne

CI : Conservation Internationale

COP : Conference of Parties

ECHO : Office d’aide Humanitaire de la Commission Européenne

FICR : Fédération Internationale de la Croix-Rouge

FIDH : Fédération Internationale des Droits de l’Homme

GIEC : Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat

HCR : Haut Commissariat aux Réfugiés

IUCN : International Union for Conservation of Nature

MDM : Médecins Du Monde

NU : Nations Unies

OCHA : Office for the Coordination of Humanitarian Affairs

ONERC : Observatoire National sur les Effets du Réchauffement Climatique (ONERC).

ONGE : Organisation Non Gouvernementale Environnementale

OMS : Organisation Mondiale de la Santé

OSI : Organisation de Solidarité Internationale

PAM : Programme Alimentaire Mondial

REA : Rapid Environmental Assessment

USAID : United States Agency for International Development

WWF : World Wildlife Fund

Définitions

Ecosystème : un écosystème est l'ensemble formé des êtres vivants (faune et flore) et de l’environnement non-vivant (eau, air, matières solides) dans lequel ils évoluent. L’écosystème se caractérise essentiellement par des relations d’ordre bio-physico-chimique. On parle d'écosystème aquatique, d'écosystème montagnard, etc.

Source : http://www.dictionnaire-environnement.com

Biodiversité : la biodiversité est un terme qui désigne la diversité du monde vivant à tous les niveaux : diversité des milieux (écosystèmes), diversité des espèces, diversité génétique au sein d'une même espèce. Le terme Biodiversité provient de la contraction de l’expression anglaise Biological diversity. Issue du Sommet de Rio en 1992, la Convention sur la biodiversité a comme objectif la conservation de la diversité biologique.

Source : http://www.dictionnaire-environnement.com

Relèvement précoce (Early recovery) : le relèvement précoce est un processus multidimensionnel qui se greffe sur un programme humanitaire pour initier des programmes de développement. Il a notamment pour objectif de:

Renforcer les opérations humanitaires et faire en sorte qu’elles deviennent les éléments de base de programmes de développement à long terme.

Appuyer les initiatives spontanées des populations affectées pour faire face aux conséquences négatives du conflit pourvu qu’elles ne soient pas de nature à le faire durer ou à le compliquer.

Source : http://www.ochaonline.un.org

Environnement : le terme « environnement » désigne la composante écologique du cadre de vie de l’homme ; ce terme est associé de façon sous-jacente aux problèmes de dégradation de la biosphère par suite de l’action anthropique : pollution, modification du climat, surexploitation des ressources, désertification, déforestation.

ANNEXES

Annexe 1 : Retranscription entretien du 12/01/2011, A.

Pensez-vous que la prise en compte de l’environnement dans l’action humanitaire est une préoccupation existante au sein de MSF France ? Avez-vous vu cette prise en compte sur des terrains où vous êtes intervenue ?

Je pense que cela commence à être une préoccupation. Je suis au siège depuis un an, j’ai été quatre fois sur le terrain et c’est souvent des questions auxquelles je suis confrontée à cause de la destruction des médicaments en particulier. Souvent les pharmaciens sont interpellés par cette question, ils se soucient de savoir où vont terminer nos déchets, plus particulièrement les déchets de médicaments mais aussi les déchets d’emballages. Par exemple en Haïti, il y avait un service de ramassage des déchets pour que l’hôpital reste propre, on voyait qu’il y avait un souci de propreté mais la question après était « qu’est ce que l’on fait de nos déchets, comment les détruit-on ? ». Donc dans la tête de certains expatriés on voit que ce souci existe. J’ai posé les questions aux logisticiens - qui sont chargés de gérer les déchets : ils sont confrontés au manque d’infrastructures qui permettent la destruction des déchets dans des bonnes conditions. En tout cas en Haïti, ils me disaient que ça partait à la décharge publique et après vogue la galère. On pouvait ne pas faire grand-chose de plus. Après il y a aussi les questions d’environnement liées à tout ce que l’on génère comme eaux souillées qui moi me préoccupent et qui en préoccupent certains, parce que tout à coup, sur des gros hôpitaux on se met à saturer les réseaux quand il y en a ou à créer des fosses quand il n’y en a pas - c’est limite, ça peut avoir un impact.

Y a-t-il eu discussion sur ces préoccupations au sein de votre desk, entre le desk et le terrain ainsi qu’au sein de l’équipe terrain ?

Souvent les discussions auxquelles je suis confrontée portent sur la destruction des médicaments, je ne parle pas des déchets médicaux mais de la destruction des médicaments périmés ou endommagés. Dans les pays où l’on travaille, nous cherchons à respecter la réglementation du ministère de la Santé en terme de gestion de déchets des médicaments, ce qui veut dire faire une déclaration avec la liste de ce que nous avons à détruire, et le plus souvent c’est l’Inspection de la pharmacie qui est censée prendre en charge cette destruction de manière appropriée. Souvent les coordinateurs médicaux ou les coordinateurs logistiques, mal avertis, imaginent que ça veut dire une prise en charge correcte pour l’environnement, ce qui n’est pas le cas le plus souvent. Je peux citer le Burkina Faso, le Tchad, le Mali, où les médicaments sont détruits dans un trou à l’air libre avec du gasoil ; ils sont brûlés sous la surveillance de l’Inspection pharmaceutique du pays, c’est-à-dire que c’est la procédure normale, légale.

J’ai même été confrontée cette année à la destruction de vaccins défectueux (fièvre jaune) qui avaient fait l’objet d’un rappel de lot de la part du laboratoire. Nous devions nous en remettre au représentant du laboratoire sur place et il devait mettre en œuvre la destruction. Le représentant du laboratoire accompagné d’un représentant de l’OMS et de celui du ministère de la Santé est allé faire brûler cela à l’air libre, ce qui est quand même gravissime. Nous n’avons pas pu intervenir pour empêcher ça. C’est souvent les questions que l’on me pose car certains sur le terrain commencent à se poser des questions. En général ce sont les pharmaciens car, quand ils savent comment s’opère la destruction, ils finissent par garder les stocks dans un local en attendant de trouver une solution appropriée. On recommande l’incinération bien sûr, mais ce n’est pas toujours facile de trouver un incinérateur qui fonctionne, qui a la capacité, qui monte à une température suffisante - c’est un casse-tête dans un certain nombre de pays et un double casse-tête dans le sens où nous n’avons pas forcément l’infrastructure et même lorsqu’on l’a, cela demande toute une démarche avec le ministère de la Santé pour faire accepter notre méthode de destruction car cela démontre que la leur est mauvaise. Cela demande donc de faire toutes les démarches avec beaucoup de diplomatie, pour impliquer nos interlocuteurs dans le processus de prise de conscience que leur système n’est pas correct et qu’il faut avoir recours à de nouveaux systèmes. Pour certains produits on pratique l’encapsulation : ça ne règle pas le problème car les médicaments ne sont pas détruits, mais ca permet de les rendre inaccessibles [cela concerne en particulier tout ce qui est aérosol, qui peut exploser et donc ne peut pas être incinéré].

Il existe un guide de MSF-B sur la destruction des médicaments et matériels dangereux liés aux laboratoires, à la radiologie ; dans ce guide, différentes solutions de destructions sont exposées. C’est une adaptation du guide OMS [dans lequel il y a certaines recommandations que nous n’acceptons pas]. Par exemple, la dilution des médicaments dans des rivières nous pose un problème éthique à nous les pharmaciens et à certains logisticiens aussi. Cela fait partie des recommandations de l’OMS d’écraser [pour des formes sèches] les comprimés pour les réduire en poudre et les mettre dans une rivière à fort débit, mais ces recommandations ne définissent pas une rivière à fort débit. Il y a des médicaments complètement inertes qui peuvent faire l’objet de ce genre de traitement mais il y en a très très peu - les perfusions qui sont des mélanges de sels minéraux et d’eau peuvent effectivement être répandues de cette manière car il n’y a pas de matière active. Hormis ça, il y a peu de choses que l’on peut mettre de façon non dangereuse dans l’eau. Notre dernier souci - et ce n’est pas le moindre – ce sont les aliments thérapeutiques, en particulier le Plumpy’Nut®. Pas le produit en lui-même, il brûle très bien car c’est de la manière végétale mais c’est l’emballage qui est très polluant et très difficile à détruire. Cela pose un réel problème quand tu as des stocks importants de Plumpy’Nut® à détruire [cela arrive] : comment on fait ? Pour le coup, ce n’est pas considéré comme des médicaments mais cela génère une pollution de l’air quand on les brûle ou de la terre quand on les enfouit. Vu les quantités que l’on brasse, il est difficile de séparer produit et emballages, de les ouvrir un par un afin de mettre d’un côté les cacahouètes pour les brûler et de l’autre l’emballage alu/plastique. C’est un problème qui, à ma connaissance, n’a pas de solution. « Que ce soit consommé ou non consommé qu’est ce que l’on fait de l’emballage ? » Quand la séparation n’est pas faite, cela donne de plus gros volumes à brûler : comment ?

Il y a aussi tout ce qui est réactif de laboratoire et de radiologie. Maintenant on fait de plus en plus de numérique donc cela va disparaitre, tant mieux, mais pour le labo il reste des produits chimiques, on ne sait pas quoi en faire. Pour l’instant, dans chaque endroit où j’ai été, il y a un local réservé aux périmés, il y a beaucoup de choses dedans, ça s’entasse et ça reste. Ainsi, au Tchad, il y a au moins 6m3 de déchets de médicaments qu’il va falloir gérer et on est à la recherche d’une cimenterie qui voudrait bien nous aider à les détruire parce que l’incinérateur de l’hôpital ne peut contenir que ¼ m3 cube - donc on n’en a pas fini.

Nous n’avons pas la possibilité de rapatrier les médicaments en Europe, les frontières sont complètement imperméables dans ce sens là ; de chez nous à chez eux, ça devient déjà très compliqué pour ceux qui auraient envie d’envoyer des périmés mais dans l’autre sens c’est carrément impossible. D’ailleurs, même quand un laboratoire fait un rappel de lot, il a donc la responsabilité de la destruction, cela se fait sur place et de façon incorrecte – peut-être pas à chaque fois ; dans les pays où j’étais, il n’y avait pas de retour organisé à l’envoyeur.

Annexe 2 : Retranscription entretien L., 6 janvier 2011

Je pense que l’on ne s’est jamais vraiment posé les questions en lien avec l’environnement, jusqu’à présent.

On a d’abord des objectifs opérationnels, ils intègrent des facteurs de qualité. Dans certains cas, cela nous rend encore un peu plus polluant parce qu’il y a beaucoup de matériel à usage unique, et qui dit matériel à usage unique dit qu’il faut essayer de le détruire. Généralement nous utilisons l’incinérateur.

Il y a à peu près 15 ans, en France, après la crise de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (1996- 1997), il a fallu incinérer tout ce qui est à usage unique pour la chirurgie, l’anesthésie : il fallait tout passer à usage unique ; on a alors essayé de changer de gamme d’incinérateur parce qu’on se disait que pour bien incinérer les choses, bien détruire le prion, il fallait des températures supérieures à 800°. On a essayé de trouver des incinérateurs qui répondaient à ce critère, mais la fumée dégagée je pense que l’on ne s’en est pas préoccupé. La destruction des médicaments, c’est exactement pareil, soit on sous-traite à une compagnie et on ne sait pas comment elle opère, soit on brûle nous-mêmes : quels impacts cela a sur l’environnement, on ne cherche pas à le savoir. Pour certains déchets on utilise des fosses : on creuse un trou, on enterre ; quand c’est plein, on fait un trou à côté et puis voilà.

Avant, pour désinfecter dans des hôpitaux, on utilisait des solutions de Javel, maintenant on utilise des produits un peu plus toxiques mais pourtant ça part dans les eaux usées, puis dans les nappes phréatiques. Je ne sais pas ce qui se fait avec les autres déchets : batteries, piles, huiles de vidange.

Quand il s’agit d’assistance à des populations déplacées, généralement on distribue de la nourriture, on délivre des soins de santé primaires et on distribue des NFI. Il y a aussi des produits qui ne sont pas biodégradables comme les grandes toiles de plastic-sheeting pour faire des abris.

Dans le Nord Katanga, MSF assiste une population pygmée. ; Nous ne leur avons pas distribué du « plastic-sheeting » parce que ces déplacés traditionnellement vivent dans des huttes, ils en ont reconstruites : on évite donc de générer un nouveau besoin. Le « plastic- sheeting » est très polluant. Au Nord Kivu, dans la zone de Goma, il y a d’anciens camps désaffectés qui sont devenus des villes mortes en « plastic-sheeting », c’est horrible.

Lors de la mise en place des programmes, dans le volet nutrition par exemple, la question de la gestion des emballages s’est-elle posée ? Si oui, comment s’est elle concrétisée ? Pouvez-vous parler d’autres problèmes pratiques où se pose la question de l’environnement ?

Je pense qu’à notre niveau il n’y a rien qui nous empêche de passer aux sachets papier, à la place des centaines de milliers de sachets plastique que nous utilisons. Cela représenterait sûrement un coût parce que l’on n’est pas sûr de trouver ces sachets en achat local. Il faudrait les faire venir de Mérignac, ça représente du poids, du volume, cependant si MSF avait la volonté politique de faire cela, nous aurions sûrement les moyens d’acheter des sachets papier, par exemple pour les mettre dans certains modules de programmes de distribution.

Ce n’est pas l’environnement qui nous motive. Je pense à l’anesthésie. Pendant un temps on utilisait des gaz anesthésiques saisis par inhalation. Quand tu fais cinq-six anesthésies à la suite dans une salle, en fin de journée, tu as mal à la tête. Maintenant on met des filtres et il y a des systèmes d’évacuation de ces gaz, c’est relativement nouveau. Cela dit, ce sont des dérivés fluorés, cela part de toute façon dans la nature car c’est très volatile. Avant, quand tu travaillais dans un bloc à MSF, tu respirais les gaz à longueur de journée, aujourd’hui ce n’est plus le cas. Cette innovation n’a pas été faite dans un souci environnemental mais simplement pour les personnes.

C’est quand on intervient sur une opération d’urgence que l’on pollue le plus, c’est alors que l’on produit le plus de déchets. Pour faire de la chirurgie il faut avoir plusieurs services annexes dont notamment la buanderie et la stérilisation. Dans une urgence, comme en Haïti, au départ ce n’est pas encore en place, on ne peut pas re-nettoyer les champs opératoires, on commence avec des kits à usage unique : cela génère un volume important de déchets. C’est souvent le temps que la buanderie et la stérilisation se mettent en route que l’on fonctionne avec du matériel à usage unique.

Annexe 3 : dépêche « Des responsables d'ONG travaillent à mieux respecter l'environnement », AFP 23/09/2009

Annexe 3

 

Pour citer ce contenu :
Julien Tertrais, « La prise en compte de l’environnement dans l’action humanitaire médicale », 12 mai 2011, URL : https://msf-crash.org/fr/acteurs-et-pratiques-humanitaires/la-prise-en-compte-de-lenvironnement-dans-laction-humanitaire

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