Rues dévastées à Martissant en Haiti
Point de vue

L’origine du choléra en Haïti : on a trouvé l’irresponsable !

Claire
Magone

Directrice de la communication de Médecins Sans Frontières, basée à Paris

Après des études de communication (CELSA) et de sciences politiques (La Sorbonne), Claire Magone a travaillé plusieurs années avec des associations humanitaires, notamment en Afrique au Libéria, en Sierra Leone, au Soudan ainsi qu'au Nigéria. En 2010, elle devient directrice d’études au Crash, puis directrice de la communication de MSF en 2014.

Deux études scientifiques parues l'été dernier ont confirmé l'origine de l'épidémie de choléra qui a frappé Haïti en octobre 2010 : celle-ci a bien été provoquée par la présence d'une quantité massive de la bactérie Vibrio cholerae dans le delta de la rivière de l'Artibonite, en provenance des égouts du campement des soldats de la Minustah. Avant d'être déployé en Haïti, ce contingent avait lui-même été exposé au Népal à une épidémie de choléra de souche similaire en septembre 2010.

Soutenu par des avocats exigeant des compensations, un groupe de victimes s'est constitué et impute aujourd'hui la responsabilité de l'épidémie de choléra « à la négligence flagrante et l'indifférence délibérée des Nations unies pour la santé et la vie des citoyens haïtiens ». Dans le même temps, une ONG qui travaille en Haïti a mis la main sur l'irresponsable parfait. Dans un article paru dans une revue scientifique publié ce mois-ci dans le American journal of tropical medicine and hygiene, revue à comité de lecture, non disponible en ligne., Partners in health affirme en effet que le premier cas de choléra (ou en tous cas un « des premiers cas importants ») est celui d'un homme de 28 ans habitant Mirabelais, ville abritant le campement des Nations unies d'où s'est propagée l'épidémie. D'après l'ONG, cet homme était atteint d'une « maladie psychiatrique sévère non pris en charge ». Bien « qu'ayant accès à l'eau potable dans sa maison, [il] vagabondait nu à travers la ville durant le jour et se baignait et buvait l'eau de la rivière ». L'homme serait mort 24 heures après l'apparition des premiers symptômes, contaminant les personnes s'étant occupées de sa dépouille.Pour les auteurs de l'article, cette découverte est riche d'enseignements pour l'amélioration de la santé publique globale, dans la mesure où la déficience mentale de cette personne l'aurait amenée à boire l'eau de la rivière. Ainsi pour éviter qu'une épidémie de ce type ne se reproduise, l'enjeu serait donc de repérer et de prendre en charge les comportements déviants, comme celui de ce malheureux malade mental irresponsable qui, sans le savoir, aurait causé la mort de plus de 7000 personnes.

L'utilisation de l'eau de la rivière comme eau de boisson et de lavage n'est pourtant pas un phénomène marginal en Haïti, mais une pratique courante de l'ensemble de la population. L'importation de l'épidémie de choléra par la Minustah est sans doute riche d'enseignements pour la santé publique globale. Mais elle questionne avant tout les procédures de contrôle des infrastructures et du personnel des organismes d'aide étrangers, comme les possibilités de réparation des dommages que ces organismes peuvent provoquer. En insistant sur l'irresponsabilité d'un individu au comportement déviant, Partners in health, dont le co-fondateur, Paul Farmer, n'est autre que l'envoyé spécial adjoint des Nations unies pour Haïti depuis 2009, chercherait-il à faire diversion autour d'un fait divers ?

Pour citer ce contenu :
Claire Magone, « L’origine du choléra en Haïti : on a trouvé l’irresponsable ! », 25 janvier 2012, URL : https://msf-crash.org/fr/blog/medecine-et-sante-publique/lorigine-du-cholera-en-haiti-trouve-lirresponsable

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